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Vivre près des tilleuls (AJAR)

note: 4Universalité de l'émotion Les bibliothécaires - 9 novembre 2016

Thème difficile mais dans une langue magnifique grâce à un style concis, juste, sensible et pudique à la fois, où l'universalité de l'émotion prend tout son sens.
Les auteurs : L’Ajar est un collectif d’auteurs, une association de jeunes auteur-e-s romand-e-s, et ce roman est le premier de cette association-union. Un intrigant projet littéraire : celui de construire un texte d’une seule voix, à 18.
Le sujet : Esther Montandon est une écrivaine suisse bien fictive et pourtant si réelle. Elle n’a pas écrit beaucoup, 4 livres, et surtout elle a arrêté toute production d’écrits après la mort accidentelle de sa fille, Louise, le 3 avril 1960. Tout ce qui précède a disparu volontairement par les flammes. Et pourtant, plus de 50 ans après, Vincent König, le dépositaire des archives d’Esther Montandon, retrouve par hasard les fragments d’un journal tenu dans les deux années qui ont suivi la disparition de sa fille.
Au fil des pages, se dessine le deuil d'une mère, les souvenirs, le manque, la souffrance causée par la perte. L'écriture très touchante et la succession de chapitres très courts rythment la lecture et accentuent l'intensité émotionnelle. Puis, on se rend compte que ce livre n'est pas tout à fait ce qu'il paraissait être au départ. L'originalité de cet ouvrage réside dans le procédé d'écriture qui s'avère une véritable prouesse tant la narration est fluide et cohérente, d’une grande beauté littéraire.

Pour autant, Romain Gary et Emile Ajar s'accordent à dire que....« L'humour est une déclaration de dignité, une affirmation de
la suprématie de l'homme sur ce qui lui arrive. »
En russe, Gary signifie « brûle » et Ajar, « la braise ». Pour l'un et l'autre, il s'agit bien de démultiplier les opportunités identitaires, de toujours renaître de ses cendres, de tordre le cou à la réalité par l'assaut de l'humour, aussi cynique soit-il.... Et à l'inverse ici, la pluralité réussit parfaitement son unification...
Alors Ajar aurait-il mal vieilli, ne répondant plus à la devise de son maître, ni par l'humour transcendental ni par la démultiplication du "je"?