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Wanderer (Cat Power)

note: 5Douceur vagabonde Les bibliothécaires - 1 décembre 2018

Originaire de Georgie, Chan Marshall alias Catpower est une fille du Sud des États-Unis. Le sud-américain: celui de la Soul.
Imprégnée de cette musique ainsi que de celle de ces ainé(e)s folkeu(ses) x, elle a ouvert la voie à une ribambelle de chanteuses ces dernières années. Aujourd’hui, elle opère un retour lumineux aux sources d’une musique folk plus mélancolique et minimaliste où la plupart des morceaux sont dominés tantôt par la guitare tantôt par le piano. C’est un album très dépouillé, voire acoustique, et on reste suspendu à ce fil fragile et émouvant. C.G.

Princesse Kevin (Michaël Escoffier)

note: 5Quand les garçons voient aussi la vie en Rose… et pas qu’en bleu ! Les bibliothécaires - 10 novembre 2018

Les filles auraient le droit de se déguiser en cowboy ou en pirate, mais pour les garçons, interdit de porter une robe de princesse??!
Kevin est une princesse. Les autres peuvent bien rigoler, Kevin s’en moque. Kevin est une princesse, un point c’est tout. Sa sœur lui a prêté une robe, des chaussures à talon, quelques bijoux. Il a emprunté le maquillage de sa maman, et maintenant Kevin est une princesse. Il ne voit pas ce qu’il y a de mal à se déguiser ainsi. Quand on se déguise, c’est pour qu’on ne vous reconnaisse pas. Sinon, ça ne sert à rien de se déguiser. Et d’abord, qui a décrété que seules les filles pouvaient se déguiser en princesses ?

Sous l’effet « girly » assuré par sa couverture et ses illustrations roses fluo, l’auteur Michael Escoffier et l’illustrateur Roland Garrigue abordent avec humour le thème de la différence, de la tolérance et la liberté d’être soi que cela plaise ou pas.

Monsieur Fée (Morgane de Cadier)

note: 5un beau message pour les enfants sur la différence Les bibliothécaires - 10 novembre 2018

Ce qui attire dans cet album, c’est avant tout le titre et le petit éléphant grognon en robe.
Chouette vous dites-vous, un album sur la théorie du genre et bien… non pas tout à fait…
Certes Monsieur fée est (a priori) la seule fée masculine de la forêt, mais l’histoire ne tourne pas autour de ça, l’enjeu ici est surtout de démontrer que chacun possède ses propres forces et faiblesses et ce qu’y paraît inutile au premier coup d’œil peut finalement s’avérer indispensable.

Deux mots sur l’histoire, Monsieur fée faisant tout de travers décide de quitter la forêt et découvre par hasard une ville, tout y est gris, tout le monde y est triste. (Un peu comme Paris en gros). Il décide alors d’utiliser ses dons pour remettre de l’ordre dans tout ça, évidemment rien ne fonctionne comme il le voulait mais ce sont finalement les effets secondaires de sa magie qui ont le plus d’impact, redonnant aux habitants de la ville le sourire.

Un personnage attachant avec de savoureuses illustrations, un récit poétique et rempli d’optimisme. Un album qui vaut le coup qu’on s’y attarde.

Night is short, walk on girl (Masaaki Yuasa)

note: 5Délire visuel Les bibliothécaires - 3 novembre 2018

Night is short walk on girl est un film d’animation japonais du réalisateur Yuasa Masaaki, auteur déjà connu pour son cultissime Mind Game. Il s’agit ici d’une comédie romantique ubuesque. Senpaï, un jeune étudiant de Kyoto, est secrètement amoureux d’une jeune fille aux cheveux noirs dont il ne connaît ni le nom, ni l’adresse. Afin de la séduire, le jeune homme transi manœuvre depuis des mois pour mettre en place l’opération OCV, consistant à occuper le champ de vision de la jeune fille et à provoquer des rencontres inopinées, afin que celle-ci tombe amoureuse de lui. Le terrain étant bien préparé, il est temps pour lui de passer à l’action en lui avouant ses sentiments. Pour cela il a toute une nuit pour y arriver, mais comprendra-t-elle ses sentiments ?
La romance des deux étudiants se transforme peu à peu en une véritable épopée métaphysique où l’on rencontre des personnages plus originaux les uns que les autres : un obsédé amateur d’estampes érotiques, un dramaturge qui changera de caleçon le jour où il retrouvera la femme de ses rêves, un vieux riche dépressif qui passe son temps à organiser des concours complètement fous.
Cette nuit-là semble durer une année entière, ne s’égrène pas au même rythme pour les différents personnages : sur le cadran des montres des plus âgés l’aiguille file à une vitesse vertigineuse tandis que pour les plus jeunes, elle tourne au ralenti, leur laissant le temps d’accomplir leurs rêves.
Pour le spectateur c’est une heure trente de grand divertissement qui ne laisse pas le temps de respirer. Une révélation visuelle et scénaristique à la fois drôle et immersive. Un rêve éveillé. R. V.

Ce qui nous lie (Cédric Klapisch)

note: 3Un bon cru ! Les bibliothécaires - 3 novembre 2018

Ce qui nous lie est un film de 2017 du réalisateur Cédric Klapich. Il s’agit là de son onzième long métrage.
Le film relate la reprise par une fratrie d’un domaine familial situé en Bourgogne. Jean, l’ainé des fils, interprété par Pio Marmaï, a quitté le pays il y a presque dix ans pour faire un tour du monde et surtout pour fuir l’autorité du père. Sa mère, morte il y a un peu plus de 4 ans, il n'a pas donné signe de vie depuis. Cet épisode a laissé des traces au sein de la fratrie, notamment entre Jérémie le benjamin et Jean; or lorsque sa sœur le prévient que son père est gravement malade, celui-ci décide de rentrer, mais de façon provisoire, car il a refait sa vie en Australie, où il est devenu père d’un petit garçon. Rien cependant ne se passe comme prévu puisque le père meurt juste avant les vendanges. Tous décident alors de vivre une année ensemble, quitte à mettre leur vie respective entre parenthèses afin de régler les problèmes de succession et produire la nouvelle récolte.
Ce qui lie ces jeunes est bien plus qu’un simple héritage car c’est la terre elle-même, comme le constate Jean en voix off « à force de travailler la terre, on s'imagine qu'elle vous appartient, alors qu'on finit par réaliser que c'est vous qui lui appartenez ».
Les films de Klapisch sont marqués par sa façon de dresser des portraits et de tisser des liens entre les personnages. On se souvient du portrait générationnel des étudiants Erasmus dans l’Auberge Espagnole. Ici on s’intéresse surtout aux rapports familiaux, entre un père et un fils, entre deux frères et une sœur. La notion de transmission est également très présente dans le film, pas seulement la transmission d’un bien ou d’une terre mais aussi celle d’un savoir. La vigne demande un long apprentissage, tout comme ces jeunes gens devront trouver leur équilibre entre espoirs et souvenirs.
Un très bon cru à déguster sans modération, bien que celui-ci laisse une certaine langueur en bouche. R.V

Geography (Tom Misch)

note: 5Voyage sonore Les bibliothécaires - 3 novembre 2018

Inconnu pour la plupart d’entre nous, le Londonien Tom Misch, 22 ans, compte déjà quelques millions d’écoutes et de vues sur le net pour les différents titres qu’il a produit au cours des trois dernières années. Totalement ouvert et curieux, il n’hésite pas à mélanger les styles et les sons, sans complexes. Ainsi, dans la musique de Tom Misch se croisent des sonorités pop, funk, hip-hop, soul, jazz ou même disco, pour un résultat aussi singulier que familier, parfaitement abouti, d’une grande diversité et d’une grande richesse. La preuve en est avec les nombreuses collaborations sur cet album et dans ses productions plus généralement : Loyle Carner, De la Soul…C.G.

Lost & found (Jorja Smith)

note: 5Jorja on my mind Les bibliothécaires - 2 novembre 2018

Dans la catégorie « espoir de la soul anglaise », je demande Jorja Smith. La presse aime voir en elle une héritière d’Amy Winehouse pour cette voix éraillée voire lascive. Elle aussi est autrice de ses textes, engagés pour certains, et dans lesquels elle vient à questionner la société anglaise. Musicalement, elle puise dans un large champ. Son album se compose à la fois de R'n'B, de dance-hall, de jazz, de gospel. Sa voix majestueuse, est portée par des rythmes minimalistes et des synthés lascifs. C.G.

Orages d'acier (Ernst Jünger)

note: 4Témoignage exceptionnel Les bibliothécaires - 9 octobre 2018

Dans ce livre, Ernst Jünger nous fait revivre la grande guerre de 14/18 sous la plume du jeune officier qu'il fut à cette époque.
Bien que ce soit le point de vue d'un Allemand, on est frappé par la similitude du vécu, des situations, avec les récits des écrivains français : mêmes villages, mêmes batailles dont la célèbre bataille de la Somme, mêmes tranchées, mêmes gaz, mêmes obus, mêmes morts atroces…
Un livre surprenant, qui vient sans doute de la distance qui nous sépare de 14-18, mais aussi par la forme de la narration de cet « Orages d'acier ».
En effet, il y a dans ce récit peu de peur perceptible: le ton est froid, les descriptions sans émotion ni sentiment. Des déluges de balles, d'obus, de massacres. Vers la fin du livre où l'on sent l'épuisement et la folie qui guettent.
Fascinant, par le courage et l'humanité de Jünger, qui n'a aucune animosité envers ceux d'en face, les soldats de l'autre camp (comme en témoignent ces scènes étonnantes de conversation avec des soldats anglais, par-dessus les tranchées, ou au moment de capturer des prisonniers).
Etonnants encore les moments de bonheur relatés dans ce livre... telles ces journées de lecture dans l'abri des tranchées.
Ce livre fait le pendant aux écrits de Maurice Genevoix (« Ceux de 14 ») puisque les deux auteurs se sont retrouvés sur les mêmes lieux de bataille presque au même moment.
Ainsi, un remarquable ouvrage de Bernard Maris verra le jour prochainement pour évoquer les destins croisés de ces deux écrivains-guerriers d'un autre siècle : "L'homme de guerre - M. Genevoix face à E. Jünger" … F.D.

Andersen (Nathalie Ferlut)

note: 5À l'Eventyr ! Les bibliothécaires - 6 octobre 2018

Il était une fois, le fils d’un pauvre cordonnier qui rêvait d’aventures et de gloire. Ainsi pourrait commencer, comme n’importe quel conte, le récit de la vie palpitante de Hans Christian Andersen, dont Nathalie Ferlut a tiré une biographie d’une grande poésie.

Mais loin de l’autobiographie enchantée où Andersen lui-même tentait de persuader le lecteur qu’il mena une existence digne d’un « conte de fées, riche et heureuse », ce roman graphique aborde de manière plus contrastée la vie et l’œuvre d’un conteur d’exception, personnage attachant et rêveur mais marginal et solitaire. En effet, si ses contes ont su charmer des générations entières d’enfants, ce grand mélancolique, pour qui l’imagination fut à la fois voyage et refuge, ne put jamais vraiment trouver sa place dans la bonne société danoise.

Ce sont donc bien les zones d’ombre du conteur qui sont dépeintes ici, aussi bien sa fragilité psychologique qu’une partie de son œuvre, romans, poèmes et pièces de théâtre à foison, méconnue du grand public. Les différentes étapes de sa vie défilent tels de petits contes enchanteurs, habillés de frises colorées, des personnages de papier dont il était friand et de riches enluminures qui font de ce livre un très bel objet graphique.
Pourquoi hésiter ? Suivez les pas du petit soldat de plomb et écoutez le chant de la fée : nul n’est jamais trop vieux pour se replonger dans la poésie et l’univers merveilleux et mélancolique d’Andersen !
Vv

Nous avons fait de notre mieux (Thi Bui)

note: 4Une biographie familiale poignante et poétique Les bibliothécaires - 6 octobre 2018

Thi Bui a trois ans lorsqu’elle arrive en Californie avec ses parents et ses frère et sœurs et n’a que peu de souvenirs de sa vie « d’avant ». Nous sommes en 1978 : après plusieurs années de misère, la famille Bui monte à bord d’une embarcation de fortune et quitte le Vietnam récemment réunifié pour échouer dans les camps de réfugiés de Malaisie, avant d’arriver aux États-Unis. Thi fait partie de cette première génération de boat people qui a grandi en Occident et qui constate la difficulté pour les anciens de concilier mode de vie à l’américaine et tradition ancestrale.
Mais ce n’est qu’une fois adulte que Thi entreprend de redécouvrir son histoire familiale afin de mieux comprendre ses parents, ce qui les a fait tels qu’ils sont et le silence qu’ils tirent sur plusieurs décennies de guerre : elle retracera ainsi leur enfance, sous l’Indochine encore française, et leur jeunesse marquée par l’instabilité politique et les premières guérillas jusqu’à la scission de leur pays natal sous l’égide des blocs occidental et soviétique.

Thi Bui livre la biographie à la fois poétique et poignante d’une famille en exil, confrontée au racisme et au déclassement mais qui à force de travail, est parvenue à se hisser parmi la middle class. Le traumatisme de l’exode et ses sacrifices font partie intégrante d’une histoire familiale dont hérite l’auteur, préoccupée par la constitution de sa propre identité, et de celle qu’elle laissera à ses propres enfants.
Vv

Les gardiennes (Xavier Beauvois)

note: 4Les femmes de l'arrière. Les bibliothécaires - 2 octobre 2018

Les gardiennes est un film du réalisateur Xavier Beauvois sorti en 2017, drame adapté du roman d'Ernest Pérochon paru en 1924.
L’intrigue se déroule pendant la première guerre mondiale, dans la ferme d’Hortense, interprétée par Nathalie Baye. En l’absence des hommes partis combattre pour une guerre soi-disant éclair, les femmes sont les seules à travailler et à maintenir l’effort de guerre. Pour aider sa fille à la ferme, Hortense décide de contacter l’assistance publique, qui lui envoie Francine, une jeune femme courageuse, ne rechignant pas au travail. Cette vie de labeur est rythmée par les permissions des hommes, qui tentent de retrouver un semblant de vie, auprès de leur mère, de leur femme ou bien leur fille. Georges, le fils benjamin, arrive à se rapprocher de Francine par des échanges épistolaires, puis physiquement. De cet amour naîtra un enfant qui conduira Francine à sa perte.
Le film est un hommage vibrant à toutes ces femmes qui ont été les gardiennes du logis de la famille et de l’effort de guerre d’une manière plus générale ; elles ont contribué au modernisme de l’économie par le biais des innovations apportées par les Alliés et par les inventions liées à la guerre. Beauvois met ces héroïnes en avant grâce à une magnifique photographie qui nous plonge dans une France profonde rurale, où le travail est le seul maître mot, et prend le temps de développer sa trame narrative, bien appuyée par un casting de choix, avec entre autres Nathalie Baye et Laura Smet qui se retrouvent à jouer leur rôle de mère et fille à l’écran. Et enfin, la belle découverte d’une jeune actrice, Iris Bry, qui à elle seule symbolise la future émancipation des femmes… Un véritable voyage au cœur d’une Histoire qui nous paraît si éloignée. R.V.

Une vie ailleurs (Olivier Peyon)

note: 4Histoires de mère(s) Les bibliothécaires - 2 octobre 2018

Accompagnée d’un assistant social, Sylvie part en Uruguay pour reprendre son fils, enlevé quatre mois plus tôt par son ex conjoint uruguayen. Malgré le décès du père, le jeune garçon continue de vivre avec sa tante et sa grand-mère. Leur plan initial ne va pas se révéler si simple que ça.
Le film est intéressant car il se place du point de vue de Medhi, à la fois témoin du désespoir d’une mère, et également du bonheur de cet enfant dans sa famille paternelle. Chargé de localiser et ramener l’enfant, Medhi va progressivement s’immiscer dans le quotidien du jeune garçon, se lier d’amitié avec lui et se rapprocher des deux femmes dévouées qui entourent d’amour cet enfant et tentent de pallier au vide de la mère disparue. Dès lors, son engagement auprès de Sylvie vacille.

L’enjeu principal du film reste la question centrale de la parentalité. Quels sont les droits de Sylvie sur cet enfant qui ignore son existence ? Faut-il privilégier son bonheur personnel au détriment de l’équilibre de son enfant, quitte à le perdre définitivement? Toutes ces interrogations sont soulevées de manière sensible et non manichéenne. C.G.

Les fleurs du mal n° Tome 1 (Shûzô Oshimi)

note: 5Mauvaises graines Les bibliothécaires - 21 septembre 2018

Amateurs de jolies rimes et d’alexandrins élégants et sophistiqués, veuillez passer votre chemin! Ne vous laissez pas abuser par le titre : nous parlons ici d’un manga paru en 2017 (pour la version française) qui n’a rien de poétique à priori. Oh non, ici on est plutôt dans le dur et le moche, Ces fleurs du mal ne sont pas là pour faire sourire et voir la vie en rose, mais pour faire grincer des dents et curieusement, c’est plaisant.
L’histoire prend place dans une ville de province banale, dans un collège banal. Le protagoniste, Takao, est un élève moyen et timide (en bref : banal) qui se sent à l’étroit dans son quotidien monotone. Pour y échapper, il se réfugie dans la lecture, tombe sous le charme du recueil Les fleurs du mal de Baudelaire, et l’ouvrage va vite devenir sa bouée de sauvetage, le moyen de se démarquer dans ce monde de grisaille où la normalité est de mise, où tout et tout le monde se ressemble.
Comme beaucoup d’adolescents de son école, il s’émerveille devant la belle Nanako (l’idole de sa classe voire même du collège). Se contentant d’ordinaire à l’observer de loin, il est un jour pris d’un coup de folie et dérobe les vêtements de sport de la demoiselle. Paniqué, il s’enfuit avec le fruit de son larcin. Manque de chance, Sawa, l’élément perturbateur du récit ET de la classe, le surprend et décide de le faire chanter, l’obligeant ainsi à effectuer les actes les plus fous et dégradants sous peine de se faire dénoncer.
Ce manga choque, brise les tabous. Il dépeint la déviance non pas comme un vice mais plutôt comme une bouffée d’oxygène, une espèce de libération.
Attention tout de même : ce manga s’adresse à un public adulte ET averti. Th. V.

Panthère (Brecht Evens)

note: 5"Un livre pour adulte qui se déguise en livre pour enfant" (B. Evens) Les bibliothécaires - 12 septembre 2018

On croirait ouvrir un album de conte pour enfant, avec les mille couleurs qui se déploient sur la couverture, mais quelque chose dans l’expression effacée de la fillette et celle, troublante, de la panthère, nous refroidit immédiatement.
Et on aura bien raison car tout de Panthère esquisse une progression du rêve merveilleux vers le cauchemar le plus glaçant. L’histoire s’ouvre sur le deuil que fait Christine, six ans, de la disparition de son chat. Son père l’élève seul depuis que sa mère a claqué la porte du foyer en menaçant de se suicider.

Dans son quotidien morne et solitaire, la fillette voit avec émerveillement surgir du dernier tiroir de sa commode– comme un diable de sa boîte – l’époustouflant et charismatique Panthère, prince de contes de fées haut en couleurs, héritier du royaume de Panthésia, beau parleur aux milles aventures et aux mille visages.

Si sa présence tient à première vue du merveilleux et a vite fait de réintroduire un peu de magie dans la vie de Christine, Panthère révèle rapidement au lecteur perplexe toute l’ambiguïté de son personnage. Tantôt confident rassurant, tantôt ami troublant, ses multiples masques en font un caméléon manipulateur et inquiétant que les couleurs, vives et éclatantes, ne rendent que plus attirant aux yeux de Christine.
Entre jeux d’ombres qui créent le malaise et parties de twister suggestives, l’ami dévoué de la petite fille change constamment de visage et de personnalité et se voudrait exclusif, l’isolant du reste du monde – et même de ses jouets favoris qui tentent, en vain, de la prévenir. Et le doute de s’emparer du lecteur qui s’interroge : réalité sinistre ou sombre sublimation d’un traumatisme ?
La relation presque fusionnelle du prédateur et de l’enfant est angoissante et atteint son sommet à la venue des amis de Panthère, nettement plus menaçants et qui, dénués de son charisme, ont bien du mal à dissimuler leurs véritables intentions…

Les couleurs chatoyantes utilisées par Brecht Evens et la féérie première instaurée par la venue de Panthère renvoient inévitablement cet album vers le livre pour enfant, ce qui ne fait qu’accentuer la sinistre réalité d’un huis-clos perturbant dont le lecteur est le spectateur muet. Les expressions changeantes de la panthère et les kaléidoscopes saturés de couleurs et de détails, vertigineux et chaotiques, entretiennent le sentiment de malaise tout au long des pages jusqu’à l’horreur la plus complète.
Une lecture glaçante.
Vv

Migrant (Eoin Colfer)

note: 3Pour une vie meilleure Les bibliothécaires - 11 septembre 2018

Migrant s’ouvre sur deux jeunes frères perdus en pleine Méditerranée, serrés avec quatorze autres migrants dans un minuscule bateau gonflable qui prend l’eau. Scénarisé par Eoin Colfer et Andrew Donkin, ce roman graphique suit le périple vers l’Europe d’un jeune orphelin ghanéen, Ebo. Depuis que leur sœur aînée a décidé de traverser la mer pour rejoindre l’Italie, Ebo et son grand frère Kwame attendent de ses nouvelles dans leur village natal. Mais lorsque Kwame part également sans prévenir, Ebo se lancera dans un long voyage dans l’espoir de retrouver sa famille.

Le récit revient ainsi sur tous les dangers et difficultés auxquels sont confrontés les migrants, bien avant la traversée de la Méditerranée sur des embarcations de fortune : sur le temps passé à accumuler les travaux ingrats et à économiser pour partir, sur la violence et la cupidité de passeurs parfois sans scrupules, en passant par les dangers de la traversée du désert en camion… Autant de périls qui constituent le quotidien de ces personnes à la recherche d’une vie meilleure.

Si les couleurs, douces et parfois même lumineuses, semblent peu se prêter à un sujet aussi grave, elles permettent de soutenir une narration menée sans aucun pathos, à l’image du personnage principal qui fait preuve d’un optimisme à toute épreuve.
Vv

Jeune femme (Léonor Serraille)

note: 5Jeune et Folie Les bibliothécaires - 1 septembre 2018

Un chat sous le bras, des portes closes, rien dans les poches Paul est de retour à Paris après une longue absence…Le film s’ouvre sur une scène frontale où Paula s’impose violemment à la caméra, dans ce délire verbal se mêle colère et désespoir suite à une rupture amoureuse. Dès lors, la caméra ne lâchera plus son personnage central. Elle dessine un portrait mouvant de cette jeune femme, spontanée, fantasque et sensible, toujours sur la brèche mais en perpétuelle révolution. Ainsi, elle tente de se faire passer pour ce qu’elle n’est pas, endosse diverses identités afin de correspondre à ce que la société attend d’elle. Cette adaptabilité lui donne la force et une indépendance nouvelle. Dans cette quête, les personnages secondaires participent de cette construction.
C’est une tragi-comédie touchante dans laquelle on assiste à la mue de cette jeune femme passant d’un être incontrôlable voire animal pour atteindre un être solide et libre. C.G.

Orquesta Akokan (Orquesta Akokan)

note: 4Viva Mambo Les bibliothécaires - 1 septembre 2018

Fidèles pourvoyeurs d’artistes et de sons Soul vintage, l’exigeant label Daptone, une fois n’est pas coutume, se lance dans la production d’un album de musique cubaine. Enregistré dans les mythiques studios Areito de la Havane, cet opus de compositions originales réunit un casting 5 étoiles issu des meilleurs formations cubaines actuelles. Cet orchestre multigénérationnel d’exilés cubains, d’Havanais ou d’américains restitue à la perfection l’ambiance fiévreuse des dancings des années 50 de la Havane. C.G.

Radyo siwèl (Melissa Laveaux)

note: 5Back to the roots Les bibliothécaires - 1 septembre 2018

Canadienne d’origine haïtienne, Mélissa Laveaux est allée puiser dans le répertoire du folklore haïtien, principalement des chansons de l’occupation américaine d’Haïti de 1915 à 1934 remises au goût du jour. Renouer avec ses racines, c’est d’abord renouer avec une langue. Après deux albums qui mélangeaient anglais et français, toutes les chansons de ce disque sont quasiment intégralement interprétées en créole. Ces 12 titres mêlant chansons, comptines et airs vaudous rendent bien sûr hommage à la culture de ses ancêtres tout en mélangeant ses influences folk, blues, trip hop, calypso ou merengue.
Radyo Siwèl n’est pas seulement une célébration de la culture haïtienne mais également un moyen nécessaire d’éveiller les consciences. En raison des controverses générées par la présidence de Trump qui a récemment qualifié les pays africains mais aussi haïtiens et autres de « pays de merde », ce troisième opus, selon son auteure, « c’est un épisode de l’histoire d’Haïti, c’est de la chanson haïtienne, mais le thème de l’envahisseur est universel ».
Énorme coup de cœur pour cette artiste que la médiathèque George Sand a reçu dans le cadre d’une rencontre musicale en 2014. C.G.

Madame (Amanda Sthers)

note: 3La vie domestique Les bibliothécaires - 1 septembre 2018

Dans Madame on suit une riche famille issue de l’aristocratie anglaise et vivant à Paris. Anne et Bob organisent un dîner mondain afin de favoriser l’authentification d’un Caravage. Cependant, l’arrivée inopinée du fils ainé de Bob porte le plan de table à treize convives, une fausse note que Madame (Toni Colette) corrige en ajoutant Maria (Rossy de Palma), la bonne, au nombre des invités. S’ensuit un quiproquo sur la véritable identité de Maria.
Pour son deuxième long-métrage, la romancière et réalisatrice Amanda Sthers propose une comédie romantique dont la thématique de l’amour entre la pauvre bonne et le riche aristocrate est vue et revue, mais dont la finalité, critique de notre système occidental de castes, est inattendue. Acerbe, la réalisatrice n'hésite pas à égratigner cette petite bourgeoisie des temps modernes, sans pour autant se montrer cruelle.
Rossy de Palma remplit à merveille son rôle de femme du peuple pétrie d'espoirs malgré ses doutes et ses peurs. Cette émancipation du personnage se retrouve dans la fin ouverte du film qui montre justement qu’on peut sortir des carcans sociaux qui empêchent de voir la vérité au-delà des apparences. R.V

Makala (Emmanuel Gras)

note: 3Sur des charbons ardents Les bibliothécaires - 1 septembre 2018

Makala qui signifie charbon en swahili est un documentaire-fiction d’Emmanuel Gras. L’intrigue se déroule dans la région du Katanga en République démocratique du Congo. Kabwita, un jeune villageois, essaye d’offrir un avenir meilleur à sa femme Lydie et à ses enfants. Il décide d’agrandir sa maison mais pour cela, il lui faut acheter des tôles qu’il pourra financer par la vente de son charbon. Durant la première partie du film, on suit Kabwita dans son travail ; on le voit abattre un arbre immense à coups de hachette, réunir les bûches en un monticule recouvert de terre et brûler le bois pour en récupérer le charbon. La deuxième partie du récit se concentre sur l’acheminement périlleux du charbon vers la ville à l’aide d’un vélo de fortune. Emmanuel Gras s’attache à montrer le quotidien de Kabwita, sans fioriture. L’image est un instantané traduisant la réalité.
A chaque instant, on sent le cinéaste se questionner : comment filmer Kabwita sans l’humilier ? Son point de vue crée involontairement une fictionnalisation du protagoniste qui, faisant preuve d'une telle persévérance, devient un héros malgré lui. L'esthétisation à outrance et l'écriture de certaines séquences participent également à cette fictionnalisation. Emmanuel Gras n'a pas voulu de voix off ou de commentaires. Le montage dynamise une mise en scène contemplative, pleine de pudeur. Tout ceci afin de pousser le spectateur à réfléchir sur la condition humaine. R.V.

On la trouvait plutôt jolie (Michel Bussi)

note: 2Décevant Sabrina - 15 août 2018

Décevant pour un Bussi. En plus moralisateur. J’espère que le prochain sera meilleur.

Aleph (Gesaffelstein)

note: 4Back to Black Les bibliothécaires - 10 août 2018

Attention pour âme sensible à l’électro made in France.
À l’instar des cadences de la Machine trouvez ici leurs échos, la beauté du rêve en prime.

Une musique qui vous chauffe dans la noirceur et vous subjugue.

Je kiffe GESAFFELSTEIN « Aleph » !

Les nouvelles aventures du fäkir au pays d'Ikea (Romain Puértolas)

note: 5Embarquez pour un voyage insensé ! Bonne humeur et rires garantis ! Les bibliothécaires - 17 juillet 2018

Dans ce deuxième opus, notre fakir n'a désormais plus rien à voir avec l'Indien qui multipliait les galères en arrivant en France. Aujourd'hui, il vit dans un grand appartement parisien avec son épouse Marie Rivière.
Grâce aux énormes ventes du livre qui relatait ses pérégrinations, il s'est quelque peu embourgeoisé et a perdu toute authenticité, se complaisant dans le matérialisme.
Ajatashatru a perdu son inspiration. Il n’arrive pas à écrire son deuxième roman.
Un malheur n’arrivant jamais seul, le lit à 15000 clous, « Kisitrotsipik », disparaît du dernier catalogue Ikea. Le géant suédois des meubles en kit ayant en effet dû interrompre sa fabrication suite à diverses plaintes.
C'est ainsi qu' « Aja » part en Suède pour se retrouver, une sorte de pèlerinage, et pour rencontrer monsieur Ikea afin de lui demander de lui fabriquer un dernier modèle de lit à clous.
En parallèle à ce nouveau voyage, il sera également question de la jeunesse d'Aja, et plus précisément de la façon dont il est devenu fakir grâce à son maître Baba Orhom.
L’alternance des chapitres entre l’expédition en Suède et le retour sur le passé sombre auprès de son maître peut toutefois perturber le lecteur au début. Mais vous l'aurez compris, ce deuxième opus, c'est du grand n'importe quoi.
L'humour provoqué le plus souvent par le mélange des cultures françaises, suédoises et indiennes porte quand même ses fruits, même si l'histoire est totalement (et volontairement) rocambolesque et pleine d'improbables coïncidences.
Certes, si vous êtes un lecteur particulièrement exigeant, il vaut mieux s'abstenir mais si vous souhaitez juste passer un bon moment avec un roman facile à lire, rempli de péripéties loufoques, alors ces nouvelles pérégrinations vous satisferont. Il faut aimer l'humour délirant, la blague à deux balles comme les jeux de mots caustiques. Bonne humeur et rires garantis ! F.B.

Guerres (Timothy Findlery)

note: 5un roman atypique et poignant sur la « Der des Der » Les bibliothécaires - 17 juillet 2018

Présenté par l'éditeur comme une interrogation sur le sens de notre humanité, plutôt que comme un livre de guerre, ce troisième roman de l’écrivain canadien anglais Timothy Findley est tout à fait remarquable.
T. Findley nous conte, comme s'il l'avait lui-même vécue, l'histoire de Robert Ross, jeune canadien enrôlé dans la Première Guerre mondiale, une guerre absurde et meurtrière dans laquelle il est chargé de responsabilités auxquelles il n'était pas préparé. Lui, comme beaucoup d'autres, s'y est impliqué avec l’intime conviction que cette guerre devait mettre fin à toutes les autres.
Même lors des moments terribles, l’auteur ne s'attarde pas aux atrocités, ne décrit pas l'horreur mais plutôt la façon dont elle est vécue par les soldats.
Ce qui en fait un livre fort réside également dans la narration qui se développe sous forme de petits tableaux (le contexte familial autour de Robert Ross, la préparation militaire, la traversée de l’Atlantique…).
C’est grâce à l’exploitation d’un ensemble d'entretiens, d'extraits de journal intime, que T. Findley arrive à créer des images à partir de la mise en valeur de petits détails qui progressivement pourraient presque s’animer pour nourrir un film dans nos têtes…
La fin du roman est écrite avec beaucoup de style, assez dramatique mais avec un rythme enlevé.
Au final, ce livre, tellement atypique, ne se raconte pas ! Il se lit !

Sirius (Stéphane Servant)

note: 3Le grand voyage Les bibliothécaires - 17 juillet 2018

Ce roman s’adresse à ceux et celles qui souhaitent voyager sans sortir de chez eux. Les deux protagonistes vivent à l’écart de tout problème jusqu’au jour où ils se retrouvent contraints de prendre la route, traversant les vestiges de notre civilisation et confrontés à la folie et à la sauvagerie qui se sont emparées des habitants du « nouveau » monde.
Agréable à lire, les pages défilent et la fin arrive avant même que l’on s’en rendre compte… Les personnages y sont PRESQUE tous plaisants : sauf Kid, horripilant, avec qui vous n’avez pas fini de vous arracher les cheveux !
Pour peu que vous ne soyez pas malade en voiture, ce livre est le moyen idéal de passer le temps dans les embouteillages, avant d’atteindre les bords de plages. T.V.

The shadow hero (Gene Yang)

note: 3Tu seras un super-héros, mon fils Les bibliothécaires - 6 juillet 2018

Pour Hua, jeune immigrante chinoise dans les années 1920, le rêve américain a un goût amer : parquée dans le Chinatown d’une petite ville côtière des États-Unis, elle épouse un épicier local – Chinois lui aussi – à la réussite modeste. Elle mène une vie paisible (comprenez monotone) entre le commerce tenu par son mari et son fils adolescent et les maisons des quartiers nantis où elle passe chaque jour faire le ménage.
Jusqu’au jour où, témoin d’un hold-up, Hua est prise comme otage par un des braqueurs. C’est sans compter sur l’aide et l’efficacité de l’Ancre de la Justice, le super-héros local. Dès lors, pour la petite mère de famille, l’avenir est tout tracé : si elle n’est allée que de déception en résignation, son fils Hank, lui, deviendra un super-héros, elle y tient. Quitte à lui coudre elle-même son costume, l’aider à acquérir des super-pouvoirs ou l’emmener en voiture jusque sur les lieux du crime…

Ainsi deux jeunes auteurs font revivre un super-héros des années 40, dont les aventures (inachevées) et le visage (jamais dévoilé) sont tombés dans l’oubli. Et pour cause, en plein âge d’or des comics de super-héros – et en pleine Seconde Guerre mondiale – la Tortue Verte n’a pas su se démarquer de ses collègues surhumains défendant les États-Unis à grands renforts de liberté et de patriotisme. Elle protégeait cependant la Chine, alliée des Américains, contre les assauts de l’Empire japonais. Gene Luen Yang et Sonny Liew proposent un hommage moderne et hilarant au genre tout en soulevant la question de l’identité et de l’intégration de la communauté sino-américaine aux États-Unis.
Vv

Pommes ! (Amandine Geers)

note: 4La Pomme Magique ! Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

Newton, Ève, la déesse Iduun, Merlin, Pomono la Nymphe, Guillaume Tell, Magritte, Marseille ou les Beatles perpétuent sa Légende.
La pomme apparaît il y a plus d’une dizaine de millions d’années.
Il y a 3000 ans elle éclot dans les grands récits mythologiques.
Au Moyen Âge la pomme servait de base à la préparation d’onguents devenus « pommade ».
Sa conservation est optimale, elle se bonifie avec le temps. Elle recèle d’incroyables nutriments santé comme la vitamine C, de la quercétine qui est un polyphénol puissant et régénérant. Elle agit sur le cholestérol, le diabète, les cellules, la dentition … La pomme est rassasiante et détoxifiante. Découvrez la suite dans le livre…

Recette :
Gelée de pomme bio « anti-gaspi »
Préparation 15 min
Cuisson 1 heure
Conservation 1 an

Pour 4 à 5 petits pots
500 G d’épluchures, cœurs et pépins
80 cl d’eau
Le jus d’un citron non traité
Sucre blond (ou autre produit sucrant non colorant, pas de sucre complet) - 50% du poids de jus prélevé.

- Mettre les déchets de pommes dans une cocotte.
- Arroser de jus de citron, couvrir d’eau et cuire à feu doux sans remuer pendant 30 min.
- Filtrer le jus avec une passoire fine et le peser. Réserver la moitié du poids du jus en sucre
- Remettre le jus dans la cocotte, ajouter le sucre faire cuire 30 min à petit feu.
- Vérifier la gélification, verser le jus dans des pots stérilisés ou ébouillantés.
- Retourner les pots pour faire le vide d’air.

Accompagnement : Une belle brioche ou un Camembert de Normandie etc... LV.

Enghien-les-Bains (Sophie Cueille)

note: 5Pour les Journées du Patrimoine Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

Pour un moment privilégié dans la ville créative d’Enghien-les-Bains, où la Mémoire commune est en partage et se fête, je vous propose deux très beaux livres qui vous accompagneront dans cette invitation à la promenade et autres petites flâneries paisibles. Ils sont abondamment illustrés et agrémentés de petits chapitres relatant quelques curiosités assez étonnantes (Châteaux discrets, gréement en Casino, architecture ambitieuse, décorations très stylisées, mondanités...) enfin, voici de quoi vous sublimer les yeux et l’imaginaire ! Du XIXe siècle à aujourd’hui, surprise et admiration s’impatientent de vous rencontrer. LV

Enghien-les-Bains (Louis-Léopold Gavelle)

note: 5L'art du partage Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

Pour un moment privilégié dans la ville créative d’Enghien-les-Bains, où la Mémoire commune est en partage et se fête, je vous propose deux très beaux livres qui vous accompagneront dans cette invitation à la promenade et autres petites flâneries paisibles. Ils sont abondamment illustrés et agrémentés de petits chapitres relatant quelques curiosités assez étonnantes (Châteaux discrets, gréement en Casino, architecture ambitieuse, décorations très stylisées, mondanités...) enfin, voici de quoi vous sublimer les yeux et l’imaginaire ! Du XIXe siècle à aujourd’hui, surprise et admiration s’impatientent de vous rencontrer. LV

Dire au revoir (Gaëtan Roussel)

note: 5Poésie acidulée Les bibliothécaires - 4 juillet 2018


Gaëtan Roussel livre un recueil de nouvelles tout en poésie et en humour. Vingt nouvelles, de trois à quinze pages chacune sur un même thème : dire au revoir. Dans tous ces textes, flottent toujours le sens de la formule, l’humour délicat et la poésie doucement acidulée. On reconnait, même sans l'entendre, la voix particulièrement intense et déchirante de l’auteur de par sa façon de rythmer ses phrases, d’agencer des jeux de mots simples et recherchés, de jouer astucieusement sur les répétitions introduisant au final une belle sensibilité et une certaine nostalgie.
Ainsi, on savoure les instants « Des bouquets sans fleurs », de « La rupture », du « Zéro cachemire, une rencontre »… Il y a aussi « Un même jour », « La maladie » et surtout « Ma Camille ». Jolie petite nouvelle d’un homme en voyage qui finit par un au-revoir. Des « au-revoir » sans haine, sans drame, où les choses sont acceptées… ce qui fait aussi le charme particulier de ce recueil de nouvelles.

Les nuits de Reykjavik (Arnaldur Indriðason)

note: 3Nuits islandaises Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

C'est un préquel (ou antépisode : œuvre littéraire dont l'histoire précède celle d'une œuvre antérieurement créée en se concentrant sur les événements se déroulant avant le récit original).

Ce roman pourrait s'appeler « Aux origines » car il correspond à la 1ère enquête du jeune policier Erlendur Sveinsson. Je trouve ce roman particulièrement réussi car :

- l’enquête nous montre le tournant dans la carrière du jeune policier (et son ascension) ainsi que l’évolution dans sa vie sentimentale puisque on en sait davantage sur les débuts de sa relation avec Halldora, celle qui deviendra sa femme et la mère de ses enfants.

- en plus de l'intrigue, l'auteur, Arnaldur Indridason, offre davantage qu'un roman policier, il nous dresse un portrait de la société islandaise des années 1970 en proie aux doutes (l'alcoolisme, la drogue, les violences conjugales…), décrite avec force et une certaine noirceur.

- l’enquête repose entièrement sur la minutie, l'analyse rigoureuse des faits et surtout, sur la personnalité et la psychologie de cet Erlendur nostalgique, solitaire et taiseux, secret, taciturne, voire asocial...

- de par certains aspects, dont le rythme, parfois les pesanteurs de l’enquête, la description du milieu social ou celle de l'atmosphère de Reykjavik, ce roman nous fait penser à G. Simenon et à son célèbre personnage du commissaire Maigret.

Le Prince et la Couturière (Jen Wang)

note: 4Frais et moderne Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

La saison des bals bat son plein et les souverains du royaume de Belgique cherchent une épouse pour leur fils le prince Sébastien : une aubaine pour Francès, jeune couturière talentueuse qui espère se faire un nom dans le milieu en confectionnant les robes des prétendantes…
Mais ses créations originales attirent l’œil d’une cliente autrement plus inattendue : Sébastien lui-même, jeune prince sensible et maladroit écrasé par ses fonctions et qui ne se sent bien dans sa peau que lorsqu’il porte les robes les plus extravagantes !

Aidé de Francès, rapidement devenue son amie et sa complice, Sébastien devient la vedette des soirées mondaines sous les traits (et surtout dans les robes) de l’époustouflante et fictive lady Crystallia. Mais difficile de mener une telle double vie, surtout lorsqu’on est appelé à régner, d’autant que l’ambitieuse Francès ne se voit pas vivre pour toujours dans l’ombre du futur héritier sans réaliser ses propres rêves…

À travers ce conte d’une étonnante modernité, Jen Wang revisite les histoires à la Cendrillon et aborde avec finesse la question actuelle et sensible du genre, sans tomber dans la facilité ou les stéréotypes. Les personnages, adolescents attachants en quête d’identité, portent un scénario qui est une réelle bouffée d’oxygène et d’ouverture d’esprit. Entre l’animation et le manga, le dessin rond et mignon apporte beaucoup de douceur à l’histoire.

Et tant pis si certains reprocheront à cette bande dessinée la candeur de son propos et de son dénouement: c’est doux, c’est frais, c’est coloré, et parfois, les happy ends, ça fait du bien !
Vv.

Verdun n° 3 (Jean-Yves Le Naour)

note: 5Une histoire d’amour et de fidélité au nom de la justice et de l’honneur Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

« Les fusillés de Fleury », c’est le tome 3 de la série « Verdun ». Cet opus a l’avantage de pouvoir être lu indépendamment des autres, ce qui permet de comprendre toute l’histoire sans avoir lu les deux premiers tomes.

Cette BD retrace l’histoire vraie de deux sous-officiers « fusillés pour l’exemple » lors de la Première Guerre mondiale, pour avoir fui le champ de bataille et l’enfer déchaîné de Verdun afin de sauver une trentaine de soldats français condamnés à une mort assurée et à la boucherie puisque cernés et isolés par l’ennemi. Exécutés sans jugement ni tribunal par leurs propres camarades soldats survivants de la boucherie, ils ont été accusés par leur hiérarchie militaire d’avoir « quitté le champ de bataille sans ordre, abandonnant la lutte »…

C’est le combat contre cette injustice que cette BD nous propose de vivre. L’histoire d’un combat de dix ans mené par Fernande Herduin afin de réhabiliter la mémoire de son mari.
Une belle BD montrant l’horreur de la Première Guerre mondiale ; un dessin soigné livré par Inaki Holgado et S. Bouet ; une reconstitution crédible et un personnage principal auquel on s’attache vite dans sa recherche obstinée de la vérité, dans sa reconquête folle de l’honneur perdu de son mari… ce qui fait, au final, la réussite de cette BD.

Enfin, la BD s’achève sur une invitation de l’auteur, J-Y Le Naour, au devoir de mémoire et à venir visiter les lieux où les fusillés de Fleury ont connu le supplice… à prendre « le petit chemin qui… vous amène… au village fantôme de Fleury-devant-Douaumont, village mort pour la France, dont il ne reste plus rien, pas même une pierre… ». Afin de ne pas (les) oublier… jamais.
F. D.

Les filles d'Avril (Michel Franco)

note: 5Ma mère, ma meilleure ennemie Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

Les filles d’Avril est un drame psychologique du réalisateur mexicain Michel Franco. Ce film traite de la maternité d’une jeune fille de 17 ans, Valéria. Follement amoureuse de son petit ami Matéo : ils vont bientôt devenir parents d’une petite fille. Valéria vit avec Mateo à Puerto Vallarta chez sa sœur ainée, Clara. Bien décidée à garder l’enfant, Valéria ne veut pas mettre au courant sa mère Avril. Cependant, et en raison du coût et de la responsabilité qu'un enfant représente, Clara décide de l'appeler. Avril s’installe alors avec ses filles et prend les choses en main. Progressivement son comportement vis-à-vis de l’enfant change.
Dans ce film, on ne trouve pas de scène terrifiante de sadisme, habituelle dans les films de Michel Franco. C’est un film plus insidieux, qui distille petit à petit son poison à travers un personnage extrêmement dérangeant de mère prédatrice prête à tout pour conserver une forme de jeunesse éternelle.
Personne n'est épargné dans ce drame. Les femmes y sont immatures, tentatrices et égoïstes. Quant au seul homme présent dans cette aventure, il est faible, et donne une image peu flatteuse du genre masculin. On peut surtout saluer l'interprétation d'Emma Suarez, très inquiétante en mère castratrice. RV

Peur de rien (Danielle Arbid)

note: 5Soif de liberté Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

1993, Lina une jeune libanaise arrive à Paris pour ses études. Seule, ou presque : elle a pour seule famille en France une tante et son mari. Bien vite elle se voit contrainte de fuir leur maison car son oncle tente d’abuser d’elle. Elle trouve refuge chez une amie de l’université puis parvient à décrocher un emploi, et s’ensuit plusieurs rencontres. Ainsi commence l'éducation sentimentale et culturelle de la jeune fille qui doit se battre pour avoir un toit et obtenir sa carte de séjour.
Le film est un récit très ample d’initiations adolescentes où le personnage est tout à tour aidé ou rejeté.
La réalisatrice Danielle Arbib raconte un morceau de l’histoire de France : celle de Charles Pasqua, période sombre où l’on cherchait à faire fuir les immigrés par tous les moyens administratifs, et qui fait tristement écho à notre actualité.
Ce film est un véritable plaidoyer à la solidarité et à l’intégration. RV

Diane a les épaules (Fabien Gorgeat)

note: 59 mois de grâce Les bibliothécaires - 4 juillet 2018

Diane porte l’enfant d’un couple d’amis homosexuels lorsqu’elle rencontre Fabrizio et en tombe amoureuse. Contrairement aux apparences, la gestation pour autrui n’est pas tant le sujet du film mais plutôt le prétexte à une comédie dramatico-sentimentale.
Diane est une femme libre, extravertie et solaire qui prête juste son corps au désir de paternité de ses amis. Et alors ? Elle sépare « sa tête de son ventre ».Cependant, le film avance au rythme des doutes de son héroïne. Clotile Hesme crève l’écran, la complexité de son personnage permet de montrer toute l’étendue de son talent.
Ce film n’est absolument pas militant mais grâce à son humour il encourage le spectateur à s’interroger sur cette question sociétale. CG.

45 vérités sur les chats (Bruno Gibert)

note: 5les chats sont ici passés au crible! Les bibliothécaires - 27 juin 2018

Un album qui ravira enfants et adultes sur nos espiègles amis les chats!
L'auteur nous délivre avec humour, 45 dessins très graphiques et poétiques avec en dessous une vérité ( ou presque) sur nos sympathiques bêtes à moustache.

Nos yeux fermés (Akira Sasō)

note: 3L'amour, aveugle ? Les bibliothécaires - 26 juin 2018

Ichitaro est aveugle. Un jour, en ville, il se fait bousculer dans un escalator et il en laisse tomber sa canne blanche. Ce sera la première fois que son chemin croise celui de Chihaya qui, pressée, ne s'excusera même pas, ni ne l'aidera à récupérer sa canne. Comme souvent, elle était trop pressée...
Habitant tous les deux dans le même quartier, Ichitaro et Chihaya vont se recroiser. Lui, assez bavard, profitera, lors de leur seconde rencontre, de la gêne affichée par Chihaya pour imposer le rythme : il réussira à ce qu'elle accepte de faire un bout de chemin avec lui, puis un autre, un autre jour, et ainsi de suite. Jusqu'à ce qu'entre eux finisse par naître une certaine complicité...

Vous l’aurez compris le thème du jour c’est la tranche de vie (navré pour les amateurs de bastons et d’intrigues à vous triturer les méninges). D’un point de vue purement graphique, les dessins des personnages sont plutôt moyens et inégaux suivant les planches, mais l’ambiance et la beauté générale est largement rattraper par les environnements qui sont ultra maîtrisés. En bref, nous avons la chance de pouvoir nous servir de nos yeux, ils seraient fort dommage de ne pas lire ce petit one-shot franchement rafraîchissant et de passer à côté de ce petit bol d’air frais.
T. V.

All melody (Nils Frahm)

note: 4Doux, envoûtant et hypnotique. Les bibliothécaires - 8 juin 2018

Influencé par les univers minimalistes de Steve Reich ou Max Richter, le pianiste Nils Frahm, de formation classique, propose avec All melody une musique instrumentale intimiste et contemplative mixant habilement musique électronique et musique "classique". Sur cet album, ses compositions au piano sont colorées par de subtiles collaborations qui ouvrent des ponts entre les genres. Cuivres et cordes notamment apportent une densité et une variété de paysages sonores.
C'est un album à la fois doux, envoutant et hypnotique. CG

Dans un recoin de ce monde (Sunao Katabuchi)

note: 5Fresque poétique Les bibliothécaires - 8 juin 2018

Dans un recoin de ce monde est un film d’animation de Sunao Katabuchi tiré d’un manga de la dessinatrice Fumiyo Kouno. On y voit la vie quotidienne d’une famille japonaise pendant la Seconde Guerre Mondiale. Le récit passe en revue 15 ans d’histoire, des années 30 jusqu’à la capitulation japonaise en 1945. On suit la vie de Suzu Urano, une jeune fille d’Hiroshima s’apprêtant à quitter sa famille pour rejoindre son mari à Kure, un port militaire limitrophe d’Hiroshima. Déracinée, elle apprend à connaître sa nouvelle famille et à les aimer. La jeune fille s’échappe de son quotidien grâce au dessin qui lui permet de mettre de la beauté dans un monde bouleversé par les horreurs de la guerres. La force du récit s’appuie sur le méticuleux travail de reconstitution réalisé par Katabuchi qui arrive à lier la grande histoire avec la petite, tous les détails du quotidien sont montrés sans fioriture, le dessin est simple, presque enfantin, le but étant de mettre en exergue l’amour. Ce souci du détail explique que les œuvres de Katabuchi soient si rares. Ce film est un petit chef-d’œuvre de l’anime, peut-être l’un des meilleurs traitant de ce sujet avec Le tombeau des lucioles. RV

Silicon Valley saison 1 (Mike Judge)

note: 5Cynical Valley Les bibliothécaires - 8 juin 2018

Cette série parodique sur le monde de la high tech suit le parcours d’un programmeur timide, Richard, dans les couloirs de la grande multinationale, Hooli (une caricature de Google. Sur son temps libre il travaille dans un modeste incubateur de start-up à Palo Alto (le Beverly Hills de la Silicon Valley) sur son application révolutionnaire de compression de fichiers. Les géants de la Silicon Valley prennent conscience du potentiel de son invention et vont tout faire pour obtenir les droits d’exploitation de son algorithme.
Dans cette série, tout le monde en prend pour son grade, les grands comme les petits, qui prétendent vouloir “rendre le monde meilleur” avec leurs applications Les épisodes montrent les obstacles que Richard devra surmonter, l’un après l’autre, pour créer son entreprise Pied Piper. David contre Goliath revisité à l'ère du 2.0 ou l’utopie du rêve américain des grandes entreprises d’informatique. On regrettera l’absence de personnages féminins forts. Les premiers épisodes sont un peu poussifs et ennuyeux car on colle trop à la réalité, mais plus on avance dans la série, plus le scénario est audacieux et hilarant. RV

A voix haute (Stéphane de Freitas)

note: 5C'est d'la bombe bébé ! Les bibliothécaires - 2 mai 2018

Inspirer haut et fort, jongler avec les mots, maitriser les règles de l'humour courtois : autant de plaisirs simples auxquels vous aurez gouté en buvant les paroles tantôt hésitantes, tantôt assurées de cette bande de jeunes étudiants en quête d'éloquence. Ce film documentaire est un antidote à la timidité, joli moment d'une expérience tant individuelle que collective.
Comme l'ont chanté leurs ainés, il y à 20 ans , assurément la scène Seine Denis, c'est d'la bombe bébé ! CG

Imani. Vol. 1 (Blackalicious)

note: 5Un album à découvrir Les bibliothécaires - 2 mai 2018

Imani Vol.1 est le quatrième album studio du groupe Blackalicious composé de The Gift of Gab et Chief Xcel. Le duo est connu pour son impressionnante capacité à rimer. En 2012, Gift of Gabe souffre d’insuffisance rénale, ce qui contraint le groupe à repousser la sortie de l’album en raison de la longue convalescence de Gift of Gab. Trois ans plus tard le disque sonne comme un remerciement à la vie notamment dans le titre Love’s gonna save the day qui est un hymne à l’amour. Autre titre évocateur, Escape qui oppose une vie de créativité à une vie de délinquance. Toute cette positivité est agrémentée par des rythmes de jazz légers et des rythmes funk, écho du hip-hop des années 90, et plus spécifiquement dans les morceaux Twist of Time et Blacka qui ne sont pas sans rappeler IAM en France. RV

Et si l'amour c'était aimer ? (Fabcaro)

note: 5Amour, gloire et absurdité Les bibliothécaires - 2 mai 2018

Ne vous fiez pas à sa couverture jaune fade et ses dessins complètement statiques : cet album de Fabcaro est un véritable petit bijou d’absurdité ! Henri et Sandrine forment un couple heureux, mais leur idylle sans nuage va bientôt être troublée par la venue du ténébreux Michel…
À partir d’une reprise décalée des intrigues compliquées des soap-opera et autres feux de l’amour, Fabcaro nous fait enchaîner des situations toutes plus loufoques les unes que les autres. Le découpage, qui n’est pas sans rappeler celui des romans photos, les visages inexpressifs des personnages et leurs propos complètement décalés font de cet album un régal d’inepties, à la fois drôles et intelligentes. On en redemande !
Vv

Ceux qui restent (Josep Busquet)

note: 4Enfants perdus Les bibliothécaires - 2 mai 2018

Nous avons tous lu de ces histoires où des enfants partent en plein milieu de la nuit pour des contrées imaginaires dont ils deviennent les héros d’un jour. Le temps est en général passé plus lentement dans le monde réel et l’enfant revient pétri d’expérience quelques heures plus tard.
Mais que se passerait-il si, à l’inverse, le temps s’écoulait plus rapidement dans le monde réel ? C’est la question que se sont posé Joseph Busquet et Alex Xoül dans ce roman graphique aux couleurs douces qui ne présage en rien l’issue dramatique pour les proches de Ben, garçonnet énergique qu’une créature magique emmène une nuit pour sauver son royaume enchanté. Pour une fois, l’histoire ne suivra pas les aventures de l’enfant mais celles, bien moins réjouissantes, de « ceux qui restent », c’est-à-dire les parents de Ben.

Edward et Susan Hawkins découvrent un matin le lit de leur fils vide. Après avoir alerté la police, ils passeront par tous les moyens dans l’espoir de le retrouver : tracts, interviews télévisées, consultation de spécialistes… jusqu’à ce que Ben réapparaisse deux mois plus tard, en pleine santé, avec des objets magiques plein les poches et des histoires rocambolesques plein la tête… ainsi que l’intention de repartir le plus vite possible.
Réelle BD du désenchantement et de la désillusion, Ceux qui restent explore une facette originale des récits de notre enfance et décrit l’envers d’un rêve d’enfant qui a tout du cauchemar éveillé pour les parents : entre pression médiatique et soupçons des enquêteurs face aux multiples disparitions de leur fils, les tourments qui menacent les Hawkins se trouvent bien dans la réalité. Mais ils ne semblent pas les seuls à être dans cette situation…
Vv

Les mythes du Cthulhu (Howard Phillips Lovecraft)

note: 4Entre littérature et bande dessinée, les monstres sans visage sont bien là Les bibliothécaires - 18 avril 2018

Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) fait partie de ces écrivains qu’on ne présente plus. Il est entre autres l’auteur du Mythe de Cthulhu et est, avec Edgar Allan Poe, un des auteurs de récits d’horreur les plus influents du XXème siècle. De son côté, Alberto Breccia (1919-1993) est un auteur de bande dessinée argentin, principalement connu pour ses œuvres de science-fiction, biographies et comic strips (il fonda avec Hugo Pratt l’Ecole Panaméricaine d’Art de Buenos Aires).

En 1979, il publie Les Mythes de Cthulhu, adaptée des textes de Lovecraft (adaptation en collaboration avec Norberto Buscaglia). Cette bande dessinée reprend quelques nouvelles de l’auteur du Mythe, tirées de différents recueils (La Couleur tombée du ciel, Je suis d’ailleurs, etc.) et mises en images par Breccia. Avec cette BD, Breccia pourrait presque être appelé, non pas dessinateur, mais peintre de bande dessinée, tellement ses images sont de l’ordre de la création plastique, mêlant collage, peinture, traits de crayon, de pinceau… Tantôt du côté du dessin académique (portraits réalistes, un trait fin et soigné), tantôt dans l’informe (avec des coulures de peinture, d’encre de chine, des collages asymétriques…), Breccia s’accorde parfaitement aux récits d’horreur de Lovecraft qui, lui-même, nous fait passer d’un monde où règne la folie, à un monde de cauchemar où vivent des créatures issues de la peur des hommes…

Les adorateurs lovecraftiens ne seront pas déçus par cette bande dessinée car on y retrouve toute l’horreur invisible décrite par Lovecraft dans ses nouvelles. Le texte se mêle directement aux dessins, tel un roman illustré, et l’adaptation qui en a été faite reste fidèle aux textes originaux (certains passages ont été condensés, voire retirés, mais sont entièrement résumés dans les images). Si vous ne connaissez pas Lovecraft, la bande dessinée de Breccia est l’occasion de découvrir ce monde terrifiant, qui aura inspiré des auteurs comme Stephen King, Alan Moore, ou encore Clive Barker.
A. M.

Edelweiss (Cédric Mayen)

note: 4Quand l'amour fait gravir les montagnes Les bibliothécaires - 18 avril 2018

Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, Olympe, jeune femme issue de la bourgeoisie française, est déterminée à se montrer digne de son héritage familial : son aïeule, Henriette d’Angeville, a été la première femme à gravir le Mont-Blanc. Indépendante, persévérante et passionnée d’alpinisme depuis toujours, Olympe se destine à reproduire le même exploit.
Lors d’une fête de village, elle rencontre Edmond, un jeune ouvrier. Au mépris des conventions de leur temps, les deux jeunes gens décident de passer leur vie ensemble, pour le meilleur comme pour le pire. Et de gravir toutes les montagnes côte à côte.

Cédric Mayen nous livre ici une belle histoire d’amour, parfois alourdie par les événements plus tragiques les uns que les autres qui touchent le couple. Ce sont cependant dans ces épreuves que les deux personnages réaffirment à chaque fois leur confiance indéfectible en l’avenir.
Côté couleurs, la palette rétro de Lucy Mazel se répartit de façon harmonieuse et constante pour souligner le contraste entre le caractère inébranlable d’Olympe et le dévouement inconditionnel d’Edmond. Le dessin, quant à lui, est soigné et dynamique, et achève d’illustrer un récit qui joue sur les drames d’un quotidien qui accompagne l’évolution des mentalités et des modes de vie de l’après-guerre.
Vv

Blood (Rhye)

note: 5La délicatesse Les bibliothécaires - 14 avril 2018

Un corps de femme dénudée s’affiche sur la couverture de cet album.
A l’écoute, une voix singulière, qui n’est pas sans rappeler celle de Sade. A l’instar de Cigarettes after sex, la frontière entre masculin et féminin s’estompe. Laissez-vous effleurer par cette voix caressante qui évoque l’amour, sa fin et le renouveau.
Une pop-soul sensuelle à ne pas rater. CG

Petit paysan (Hubert Charuel)

note: 5Des vaches et des hommes Les bibliothécaires - 4 avril 2018

Pierre, jeune éleveur de vaches laitières va tout tenter pour sauver sa petite exploitation alors que son troupeau est menacée par une épidémie.
Pour ce premier long métrage, Hubert Charuel porte un regard lucide et authentique sur cette profession en difficulté. Son ambition n’est pas uniquement de filmer le réel; en effet, très vite, il insuffle une dose de suspense et amène son film à la lisière du thriller psychologique avec une touche de fantastique.
Pierre, le Petit Paysan en question, c’est Swann Arlaud. Il interprète un personnage taiseux, quasiment asocial, porté par un quotidien réglé au cordeau. Il porte davantage d’attention à ses bêtes qu’à son prochain, instaurant une relation quasi paternelle à son cheptel. Face à l’inéluctable évidence, son monde va s’écrouler. Sa sœur vétérinaire, jouée par Sarah Giraudeau occupe une place à part ; elle est à la fois la complice fraternelle et la rigueur professionnelle, une représentante de la loi soumise à l’application du principe de précaution.
Hubert Charuel ne propose pas tant un film sur la condition paysanne qu’une réflexion sur la condition humaine. CG

En cuisine avec Kafka (Tom Gauld)

note: 5: Vous aimez la littérature ? Les vaisseaux spatiaux ? Les dinosaures et les chevaliers ? Non ? Ah. Les bibliothécaires - 28 mars 2018

En cuisine avec Kafka, c’est la suite de Vous êtes tous jaloux de mon jetpack, de Tom Gauld, et c’est toujours aussi barré !
Si vous ne connaissez pas Vous êtes tous jaloux de mon jetpack, on ne peut que trop vous conseiller de foncer vers le mur le plus proche sans vous arrêter. Bon, on ne vous en veut pas (trop) et, devinez quoi, ça tombe bien, on a les deux volumes. Donc ensuite relevez-vous, et allez découvrir ces génialissimes cartoons de Tom Gauld.

À l’origine publiés dans le Guardian (pour certains dans le New York et le New York Times), les strips de Gauld sont, et ce n’est pas peu de le dire, emprunts d’un humour (très anglais) complètement absurde, avec une certaine pointe d’élégance (bien anglaise) et de culture (peut-être anglaise). Si vous aimez des auteurs comme Quino (Mafalda) ou Geluck (le Chat), ces strips sont faits pour vous . Gauld se joue avec un amour non dissimulé de la littérature, de la fantasy, de la science-fiction, des classiques, du cinéma, des auteurs, du monde de l’édition, des bibliothécaires (mais ça, ce n’est pas drôle), de la société… Et il y a toujours une critique véhiculée derrière chaque blague… ou presque. Et nous on adore.

Des histoires courtes, un dessin minimaliste et un humour complètement absurde, irrévérencieux et surtout… très anglais. À découvrir, surtout si vous n’êtes pas « un excellent homme nommé Dutilleul qui possèd[e] le don singulier de passer à travers les murs sans en être incommodé » (et vous pouvez commencer aussi bien par Vous êtes tous jaloux de mon jetpack que par En cuisine avec Kafka, qui est encore mieux !).
A. M.